La parentalité

Quatre naissances pour une naissance.

30 décembre 2016

Je suis née en même temps que mon enfant. C’est par son existence que je me suis réveillée à la vie. J’ai grandi en même temps que mes enfants et à chaque naissance j’ai gravi un étage…un étage vers mon humanité, vers l’accomplissement d’une de mes missions les plus précieuses. Chaque nouvelle naissance a été pour moi une nouvelle chance de me trouver de plus en plus en profondeur, de devenir de plus en plus vraie, d’être de plus en plus connectée à mon instinct et à l’autre, et de vibrer en lien total avec la vie.

Je partage avec vous mon cheminement au travers de ces quatre naissances. Puisse-t-il vous apporter des pistes de réflexion, pour accompagner au mieux le passage de l’enfant venu à notre rencontre dans notre monde palpable.

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PREMIER ENFANT, janvier 1998, naissance en clinique privée.

J’ai 24 ans, je ne me suis jamais renseignée sur les différentes possibilités d’accouchement, je n’ai qu’un seul souhait : avoir vite la péridurale. Je perçois les contractions comme très douloureuses, je n’ai pas appris à les gérer ni à quoi elles servent. Je ne pense qu’à ma douleur et pas du tout à mon bébé.

Péridurale faite : je suis heureuse, je ne sens plus rien et je reste allongée pendant des heures sur le dos à attendre que ça se passe tout seul : le futur papa lit près de moi, on discute, on plaisante et on attend. Je vois sur le monitoring que j’ai des contractions et je suis souriante et fière de ne rien sentir. J’ai des fourmillements aux fesses mais je ne peux me tourner à cause des branchements divers. On me « règle » la fréquence de mes contractions en m’injectant divers produits, je laisse le personnel gérer mon accouchement, et j’en suis très rassurée, moi ce n’est pas mon taf.

Une femme hurle dans la salle à côté, et on s’offusque, le personnel et moi, de tant de manifestations impudiques…

On vérifie mon « col » régulièrement, et me dit à présent que c’est le moment de « l’expulsion », moi je ne me rends compte de rien. Tout le monde se met à s’agiter autour de moi. Je « pousse » un peu, comme on me le demande, deux fois, sans conviction. On pratique sur moi l’épisiotomie « pour faire de la place », sans me prévenir. La sage-femme monte sur une chaise et m’appuie de tout son poids sur le ventre, causant une douleur atroce qui me mène au bord de l’évanouissement. Je n’ose pas dire que si besoin je peux pousser un peu, je n’ai encore « rien donné ». Je ne suis pas tenue au courant de ce qui se passe ni de ce qu’on attend de moi. D’ailleurs je pourrais presque m’excuser d’être là, tellement tout se fait « sur mon corps », sans intervention ni dialogue, ni information, ni consentement. On utilise la ventouse (sorte de coupelle appliquée sur la tête du bébé branchée sur une aspiration électrique) pour tourner mon bébé et le faire sortir. Il a gardé un énorme hématome avec le crâne bombé à l’emplacement de la ventouse pendant plusieurs jours. J’ai écrit quelques semaines plus tard à mon obstétricienne pour avoir des explications sur cette naissance mais elle m’a répondu que tout s’était passé normalement.

Voilà mon grand bébé de 55cm et 3,780kg, on me l’enlève immédiatement pour lui faire les soins et l’habiller (aspiration en tout sens, y-compris anale, entre autres). Le temps me paraît long sans lui, j’ai envie de le voir et je me demande ce qu’on lui fait. La « délivrance » du placenta est difficile psychologiquement (fatigue nerveuse) sans le papa ni le bébé. Je n’étais pas au courant de cette étape-là dans la naissance. Je reste ensuite seule deux heures avec Bébé pendant que le papa passe les coups de fils à la famille. Je décide d’essayer de le faire téter, je ne sais pas comment faire.

Pour moi, à cet instant de ma vie, avec les cartes que j’ai en main, la naissance a été idéale, je ne connais pas d’autre façon de procéder : je suis émue de voir mon premier enfant et surtout, surtout je n’ai pas souffert. C’était ça le plus important à l’époque.

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DEUXIÈME ENFANT, octobre 2001, même clinique.

Je veux la péridurale sans hésiter, je ne comprends pas qu’on puisse accepter de souffrir à la naissance alors qu’il existe des solutions, faut être maso ! Ma seule préoccupation liée à l’accouchement réside dans l’appréhension du moment de cette injection, j’ai appris quels risques il pouvait y avoir si l’anesthésiste se ratait.
Comme nous sommes en pleines grèves du personnel, on m’avertit lors de la visite de contrôle que si je n’accouche pas aujourd’hui je devrai accoucher dans une autre maternité. Or pour moi c’est primordial pour être rassurée de déjà connaître les lieux, donc j’accepte le décollement de membranes censé accélérer le travail. C’est une douleur extrêmement vive d’arrachement des tripes, sans anesthésiant.

J’ai la péridurale sans même avoir eu le temps de sentir la moindre contraction. Perfusions et produits pour gérer les contractions, je n’ai plus qu’à attendre tranquillement pendant de très longues heures, couchée sur le dos et branchée de partout. On regarde l’horloge, et le paysage par la fenêtre, on s’ennuie.

Après une préparation à la naissance en piscine, j’ai beaucoup de souffle, c’est pour moi alors l’élément primordial pour faire naître un bébé, et je pousse très fort et très efficacement. Déchirure. Accouchement sans histoire, centré sur moi-même et mes performances… et sans penser à mon bébé encore une fois. Je ressens un baby blues au moment où on me pose mon bébé déjà habillé sur mon ventre, je n’ai qu’une envie, me reposer et dormir.

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TROISIÈME ENFANT, mars 2007, même clinique.

J’ai suivi une préparation à la naissance où nous avons été encouragées à réclamer la péridurale le plus tard possible. Je n’en comprends pas vraiment l’intérêt mais je ressens comme un défi de voir si je suis capable de « faire sans », ce qui me fait très peur à la fois. Je ne risque rien à essayer.

Je sais cette fois que je suis là pour accompagner mon bébé vers la sortie, et que je dois me centrer sur lui et non pas sur moi. Arrivés à la maternité, on nous encourage à aller se promener dans les bois environnants pour accélérer le travail : les contractions se font très rapprochées en peu de temps. J’aime gérer la douleur dans ces conditions, dehors sous ce soleil magnifique.

En salle de naissance je maîtrise ma douleur et je gère les contractions par la respiration, la concentration, la pensée d’accompagnement de mon bébé jusqu’à une dilatation du col de l’utérus de 8 cm. Je suis couchée mais je me permets de me tourner sur le côté et tant pis si je dérange tous les branchements. Le papa et moi sommes seuls dans la salle et c’est très appréciable, nous nous sentons plus à l’aise.

Et voilà qu’on entre me dire que si je veux la péridurale c’est maintenant ou jamais, après ça ne sert plus à rien de la poser et en plus l’anesthésiste est là, il faut vite en profiter, il n’est pas toujours dispo. Uniquement par appréhension de ne pouvoir supporter la suite, j’accepte ce qui ne m’était pas venu à l’esprit quelques minutes avant. J’ai si peur de la pose que je me mets à trembler de tout mon corps. Je ne pense plus qu’à ne pas bouger pour que ça ne rate pas et je perds le fil de la naissance. A partir de ce moment-là le travail s’est ralenti. Bébé ne descend pas, ne se positionne pas comme il devrait, la dilatation s’arrête.

On m’assoit en tailleur pour essayer de faire avancer les choses. Une sage-femme commence à me parler de césarienne si cela continue, démentie ensuite par l’obstétricienne à qui je fais part de mon angoisse.

Je décide alors de parler encore plus à mon bébé, de l’encourager, je me concentre en pensée sur lui et visualise le chemin qu’il a à faire et ses mouvements. J’effectue des mouvements de bassin instinctifs pour l’aider et je le pousse avec mes mains sur le ventre en direction de la sortie. Voilà il a enfin effectué sa rotation et tout se précise rapidement. La péridurale ne semble plus faire beaucoup d’effet et j’ai très mal au bassin, on m’augmente la dose. A peine quelques secondes de poussée et mon troisième fils est là. Je le garde sur le ventre en peau à peau un long moment, je le laisse ramper vers le sein tout seul. Aucun souvenir de la « délivrance » du placenta, ça se passe pendant que je câline mon bébé et mon attention est toute sur lui. On est seuls tous les trois, moment de douceur et d’émotion.

Je suis fière d’avoir pu expérimenter la joie d’accompagner réellement mon bébé, mais frustrée d’avoir eu peur d’aller jusqu’au bout sans la péridurale alors que j’avais fait le plus dur.

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QUATRIÈME ENFANT, août 2009, petit hôpital public sur le point d’officialiser la création d’un « plateau technique ».

J’ai suivi une préparation utilisant les représentations mentales (auto hypnose), la sensibilisation à l’utilité de la douleur et d’une naissance physiologique. Le refus de la péridurale a pris du sens pour moi, ce n’est plus une performance valorisante, mais une envie d’accompagnement actif de mon bébé, en suivant les indications que mon corps me donnera. J’ai conscience de la nécessité du « lâcher-prise » et je vois cela comme une évolution spirituelle, un passage de ma vie me rendant plus forte et ouverte à ce qui est. Nous souhaitons le plus de naturel possible autant pour moi que pour les soins à mon bébé. J’aurais aimé un accouchement à domicile mais le papa n’est pas d’accord, par peur. Nous avons coupé la poire en deux en rédigeant un projet de naissance pour faire respecter nos souhaits, il est convenu qu’on partira à la maternité le plus tard possible et une sortie très précoce (2h) est planifiée dans le plus grand secret de notre entourage, pour éviter les réactions négatives que nous ne voulons pas prendre en compte afin de ne pas nous décourager.

Je vis trois jours de contractions très intenses chez moi, tout en continuant mes activités et me jetant sur le lit par moments, au milieu de ma famille. Je tente de guider mon bébé, je ne comprends pas pourquoi il ne se décide pas à venir malgré toutes ces douleurs. Trois passages à la maternité, où je refuse tout déclenchement et constate que le travail n’avance pas.
Trop de monde bouge autour de moi à la maison, il y a même des amis qui nous rendent visite, et je ne suis pas entrée dans ma bulle, le quotidien suit son cours et je ne réalise pas, à 1h de la naissance, encore à la maison, que je suis réellement en plein accouchement. Je peste de ne pas arriver à m’occuper des enfants. Mon mari non plus n’a pas compris, et malgré tous nos projets d’accompagnement de naissance, nous n’avons rien pratiqué : ni massages, ni bain parfumé, musique douce, visualisation, ni complicité et soutien conjugal…

Le terme dépassé d’un jour, énervée, épuisée et découragée que rien n’avance, je décide de me rendre définitivement à la maternité, prête à renoncer à tous mes rêves de naissance physiologique : « -Qu’ils me déclenchent je m’en fous j’en peux plus, faites n’importe quoi mais que ce bébé sorte ! » Je n’ai pas tilté que cet état de désespoir indiquait la fin très imminente de l’accouchement.

Dans la voiture, les contractions sont très puissantes et soudainement rapprochées, comme si savoir que j’allais être en milieu surveillé me donnait l’autorisation d’accepter la naissance. Je sens que j’ai lâché toute résistance.
A l’hôpital, installée dans une chambre pour l’observation, désespoir : mon col ne s’est pas assez dilaté, ce n’est pas le moment de la naissance. Pourtant lors d’un passage aux toilettes, 10 mn après mon arrivée à l’hôpital, mon bébé appuie soudainement et je le sens qui commence à sortir. Branle-bas de combat, on me crie de me retenir, on me force à grimper sur une chaise roulante pour traverser un pu**** de couloir pour me rendre dans la sacro-sainte salle de naissance, pour qu’elles puissent enfiler des gants, m’installer un cathéter malgré mes protestations, je maudis tout le monde en hurlant, je veux juste qu’on me fiche la paix : mon bébé veut sortir, pourquoi on l’en empêche, pourquoi on panique et m’interdit de pousser alors que mon corps pousse tout seul ? Je n’ai pas d’informations si il est en danger ou pas. Mon mari ne pense pas à ce moment-là à les envoyer bouler. Finalement au bout de minutes interminables de torture du fait de m’avoir ordonné de me retenir, enfin arrivés en salle de naissance je me jette accroupie par terre cramponnée aux étriers de la table, et mon bébé arrive dans la seconde qui suit juste par le fait de me relâcher, je l’accompagne dans le mouvement de sortie de mon corps en l’attrapant, tout chaud tout lourd dans mes mains.

Toutes les douleurs s’arrêtent et la paix m’envahit. Je ris et je lui dis « Bonjoooour ma fille ! Que je suis contente que tu sois là, bienvenue ! »

Pas de gouttes dans les yeux, pas de vitamines, bébé sur moi une heure en peau à peau et tétée paisible. Bébé ensuite habillée sous mes yeux par Papa, pendant que je les photographie en trottant autour de la petite table chauffée. On repartira chez nous dans la foulée, en sortie précoce à deux heures de vie (voir l’article « La nuit où mon bébé de 2 heures est rentré à la maison. »).

***

Je constate encore après quatre naissances, qu’il est très difficile de se faire confiance et faire confiance au bébé. Il est difficile de penser à tout, et je pense sincèrement qu’une doula pourrait avoir ce rôle. Il reste toujours des intimidations parfois involontaires et des bribes de désinformation en temps réel qui mènent à accepter des décisions peu appropriées. J’ai accouché sans péridurale, et ma plus grande souffrance n’a pas été la naissance, mais de retenir ce bébé prêt à sortir, pour que ce soit plus pratique pour le personnel. Saurons-nous jamais ce qu’il lui en reste psychologiquement et émotionnellement, à ma fille ? Quel message inconscient on a pu lui transmettre pour sa vie ?

Si je retirais des conseils de mes expériences, je te dirais à toi, future maman, que l’accouchement ne commence pas au moment où tu es à la maternité. Que quand les contractions sont là, c’est le moment de te centrer sur ton bébé, de te couper du monde, de partir en transe, et ça durera le temps que ça devra durer. Je te dirais de t’imaginer être un oiseau léger qui survole les canyons, de visualiser ton enfant comme une douce boule tiède qui cherche à quitter sa grotte pour rejoindre le soleil éblouissant qui l’attire, d’être à son service. Je te dirais de t’autoriser à être instinctive, à produire des sons, des cris, de renoncer à maîtriser, y compris le souffle, pour te laisser aller à l’écoute de ton bébé qui sait ce qu’il a à faire d’instinct et toi aussi tu sais…Et ce sera un beau début de ton aventure de maman qui consistera quotidiennement à renoncer à maîtriser ses actions ou pensées, à lui accorder ta confiance totale, à juste proposer et à t’effacer pour lui laisser la liberté sur sa vie. 

Je te dirais à toi, futur papa/2e maman, que tu es le roc au milieu de la tempête, que ta présence quand on est perdue dans le brouillard total est un repère et un repaire inestimable, je te dirais de respecter la bulle dans laquelle est partie ta compagne, de te tenir silencieux/se si elle le souhaite, bavard/e si elle le souhaite, d’être à son service comme elle est au service de votre enfant, de la protéger du monde extérieur en t’occupant des relations avec le personnel soignant, afin qu’elle reste concentrée sur ce qu’elle est en train de vivre sans se préoccuper du reste. Je te dirais de lui rappeler sans cesse que vous vivez ces moments difficiles pour votre bébé. De vivre la douleur avec elle en pensée, de façon positive, en sachant qu’elle permet d’ouvrir le passage en guidant les mouvements de la mère. Le plus grand des respects est nécessaire pour elle, la plus grande compassion, être là sans rien faire, là 100 % sans penser que tu es en train de rater ton match à la TV. Vous êtes trois à naître ce jour-là… Et quand ton enfant, quelques paires d’années plus tard, t’appellera pour la cinquième fois dans la nuit, tu te souviendras cet instant où le renoncement sur ce qui devrait être, permettait la magie de la naissance de l’amour…

Evelyne Mester.

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  1. Bonjour et merci pour ce témoignage,

    J’en suis à ma 2ème grossesse et je flippe, tu as raison de dire qu’il reste toujours des failles et que la confiance en soi est difficile.

    Pour mon 1er accouchement, j’ai pas fait de péri, j’ai eu un accouchement par les reins, très douloureux, et qui comme toi avait commencé trois jours plus tôt, j’y comprenais rien parce que personne ne m’avait prévenu que ça pouvait se passer ainsi, et malheureusement, la sage femme qui était avec moi dans la salle nature ne comprenait pas mes besoins et ne répondait pas à mes demandes, qui n’étaient pourtant pas très exigeantes (pouvoir prendre un bain, dans une salle nature, normalement ça se fait, où me trouver de l’appui pour pousser, ou essayer une autre respiration que celle qu’elle me proposait parce que la sienne me coupait le souffle)…

    La communication s’est si mal passée (honnêtement, j’ai clairement senti qu’elle voulait être ailleurs, que ça la saoulait, alors que j’étais très calme, mais j’avais pas l’énergie et pour accoucher et pour la motiver elle en même temps… c’était un peu trop m’en demander) qu’elle a fini par affaiblir totalement ma confiance en moi (qui était très haute, avant qu’elle n’arrive, parce que je m’étais bien préparée), à me faire me sentir complètement nulle, au point que j’étais à deux doigts de réclamer une césarienne pour en finir. Mes contractions ont commencé à ralentir parce que trop de stress, on a du me faire une perfusion pour les accéler, puis ça s’est terminé en extraction assistée avec épisio.

    Je suis dégoûtée pour cette naissance, car j’ai vraiment l’impression que j’avais les moyens de le faire, mais que je ne suis hélas pas tomber sur la bonne personne ce jour là.
    Et comme ça s’est passé en salle nature, c’est très difficile à expliquer, parce qu’on nous vante tellement les mérites de ces salles et de son personnel normalement formé (elle ne savait pas, par exemple, se servir des écharpes suspendues), que quand j’en parle les personnes ont tendance à remettre la faute sur moi (je n’étais peut-être pas assez préparée, je n’arrivais peut-être pas à exprimer clairement mes besoins… etc etc) sauf que je me souviens précisément de tout, d’avoir tout dit, de manière précise et non agressive, et de n’avoir jamais eu de réponse adéquate.

    Enfin voilà, tout ça pour dire que tout ceci aussi me semble très compliqué, bien plus compliqué au final que la première fois.

    C’est un cheminement tout cela, tu as raison, mais je pense aussi qu’on ne peut pas mettre tout sur le dos des femmes, d’attendre tout d’elles, parfois, le personnel aussi a un rôle à jouer et les conditions devraient être réunies pour qu’il puisse réellement le faire, mais la politique actuelle permet-elle vraiment cela ? J’ai l’impression que non, on s’intéresse beaucoup aux femmes (et c’est mieux qu’avant) mais pas encore assez aux équipes encadrantes, ça vient, petit à petit, mais c’est long.

    1. Bonjour Emilie, merci pour ton partage personnel. Je crois qu’il résume bien les progrès qu’il y a encore à faire dans l’accompagnement de la grossesse, de la naissance, et dans l’accompagnement en général. Là pour ton cas il semblerait que ton accompagnante aie eu des lacunes peut-être par manque de formation, avec des conséquences tristes : le point de départ du basculement dans la confiance que tu avais en la naissance naturelle de ton bébé.
      Je pense aussi que toute personne la mieux formée ne pourra pas forcément être efficace dans son domaine, tout « simplement » par manque de compétences relationnelles naturelles. Cela se travaille heureusement, mais c’est une possibilité qui fait cruellement défaut dans le milieu médical, et qui demande une humilité et une remise en question à titre personnel qui n’est pas toujours une volonté.
      Stéphane Witzmann et moi proposons des formations pour développer ces compétences et nous pensons nous orienter vers les équipes médicales : comment s’adapter à la personne que l’on accompagne, comment être à son écoute au point qu’elle se sente libre d’être elle-même, comment comprendre les demandes pas claires ou timides, comment concilier les obligations du personnel et les demandes des patients, trouver des solutions gagnant-gagnant, savoir communiquer ses propres émotions tout en sachant se protéger, comment recevoir les émotions des patients sans se sentir attaqué ni trop impacté, etc etc …
      Pour en revenir à ton témoignage, je perçois que tu sais au fond de toi que tu étais capable d’accompagner ton bébé à naître sans aide, tu avais juste besoin d’être rassurée par un milieu relativement médical. Tu avais juste besoin qu’on te le redise dans ce moment-là : tu ES capable, écoute ton bébé, écoute-toi, c’est toi qui sais, c’est ton bébé qui sait, l’accompagnante qui est à côté de toi est là pour te donner confiance pour que tu trouves toi-même tes solutions à l’écoute de ton corps.
      Je te proposerai du coup de te recentrer là-dessus pour cette 2ème naissance prochaine : tu as eu besoin d’entendre ces phrases ? Dis-les toi, comme si une part de toi pouvait prendre soin de la part de toi qui accouche. Demande aussi à ton bébé de te guider, ça parait bizarre mais ça te permet d’être étroitement en lien avec lui et à son service. Ton corps te dira que faire.
      De mon expérience, ce qui m’a manqué le plus lors de mes accouchements, c’est une personne qui aurait fait barrage pour qu’on me laisse tranquille dans ma bulle. Faire naître un bébé est comme être dans un état second, en hypnose, c’est un monde à part, où l’instinct permet au cerveau rationnel de décrocher, pour suivre une route. Depuis des millénaires les femmes savent faire, même quand c’est la première fois. J’ai vu ma petite chatte mettre au monde ses chatons pour la première fois, j’ai pleuré de tant de perfection de la nature, sans aucun intervention humaine. Tu peux le faire aussi.
      Belle rencontre avec ton bébé et… toi-même ! Viens me donner des nouvelles si tu veux dans quelques mois, j’ai envie de savoir comment ça s’est passé pour vous. Merci. EM