Il est souvent difficile, quand on n’a pas encore eu d’enfant, d’imaginer à quel point le caca de notre rejeton deviendra un jour le « sujet de conversation numéro un » de la plupart de nos échanges matrimoniaux et amicaux. Papa rentre du taf, Maman lui saute dessus pour s’écrier : « – ça y eeeest ! ! Bébé a fait dans son poooot ! » Papa jette son attaché-case en l’air et tous ses papiers importants s’éparpillent sous leurs hourras, ils se sautent dans les bras. Et on sort le Champagne.
Quand Bébé est arrivé au monde, le personnel de maternité surveillait régulièrement les couches de votre nouveau-né allaité, pour « vérifier s’il boit bien (le lait de maman, puisque c’est pas transparent comme un biberon) » : vous avez peut-être même dû noter combien de « couches pleines » il remplissait en une journée. Bébé, après quelques jours de tord-boyaux a enfin laissé sortir un truc-collant-visqueux-vert-fluo-foncé, qui a été acclamé comme quelque chose de fort rassurant pour son bon développement. Et là, parents, vous vous êtes regardés avec une suspicion mutuelle. Quiiii, mais quiiii de nous deux a copulé avec un extra-terrestre pour enfanter un être capable de rejeter un truc pareil ?
Bébé, une fois rentré à la maison, s’est fait un plaisir des plus délicats de vous péter allègrement dessus avec une innocence attendrissante en plein milieu d’un silence laissé là par Tata Gertrude qui vous rendait visite pour le tea time avec petit doigt levé en tenant la tasse fumante. Et cette dernière s’était offusquée que vous osiez accuser un être si charmant et si minuscule de tant de puanteur, ça ne pouvait pas être lui.
Mais on sous-estime trop souvent aussi le bruit que peut faire l’arrière-train de ce petit d’homme alors qu’il n’est pas plus gros qu’un paquet de céréales (l’arrière-train …ou le petit d’homme, au choix). Papa peut s’avérer heureux d’avoir trouvé un concurrent de l’envergure de sa propre (si on peut dire) réputation musicale.
Enfin bon, voilà que la pâte verte s’est transformée rapidement en un amalgame jaune doré qui sent boooon, cause bébé nourri au sein ! Oui oui le caca peut sentir bon et là c’est le cas. Ça sent le yaourt. Ce sera donc la période la plus agréable de cet intéressant cheminement. Allaitez longtemps du coup. Vos narines vous le rendront. C’est bon pour la santé, au fait.
Viendra le jour des cacas explosifs, où bébé se retrouvera crépi du bas jusqu’en haut, lit inclus, malgré couche et vêtements d’hiver et divers. Vous le tiendrez, avec une mine tendre de dégoût, à bout de bras un peu loin de vous suspendu au-dessus du sol , ne sachant où le poser. Comme un plat sortant du four dans une cuisine peu fonctionnelle. Vous opterez peut-être finalement pour le fond de la baignoire, tout habillé (Bébé hein. Parce que vous il vaudrait mieux vous dévêtir avant que même le pressing ne puisse plus rien pour sauver vos vêtements). Non Bébé n’a pas la gastro, il n’avait juste pas fait son popo depuis plusieurs jours. Même que tous vos amis Facebouc le savaient, puisqu’il vous fallait partager vos angoisses. Là vous prendriez bien une photo pour Instabracadagram, quel buzz ! Mais vous tenez à votre smartphone.
Et voilà déjà le temps de la diversification alimentaire, et avec elle les VRAIES odeurs de grand. Pétard, ça déménage. Parce que c’est vous la petite graine et l’œuf à l’origine de ça, et qu’il va falloir assumer vos ébats. Et non ça sert à rien de coller Bébé à couche puante dans les bras de Maman l’air innocent de « Je sens rien, moi ». Vous n’êtes pas crédible (sauf à la limite si vous avez un rhume). Votre volonté de partage équitable des tâches dans votre famille se manifeste aussi par là. Ok : au pire vous négocierez le droit de faire la vaisselle ce soir en échange d’une Maman dévouée (elle) qui va « changer les fesses » à votre place. On peut essayer. Et puis avec un peu de chance elle aura le caca le plus sympathique et facile à retirer : « la galette », sorte de disque épais à consistance de pâte à modeler, ayant pris la forme des petites bosses dodues, et retombant mollement au moment de l’ouverture de la couche. Hop on jette le caca aux toilettes, on pourrait même réutiliser la couche jetable. Nickel.
Enfin bon. Le moment de la fameuse « acquisition de la propreté » (anciennement « apprentissage de la propreté ») approche. Faut bien en faire un enjeu, depuis la naissance qu’on est focalisé sur ce domaine bassement humain. Alors vous imaginez, les parents doivent soudain renoncer à leur rôle « d’empaqueteurs d’enfant dans une couche » et briefer Bébé comme des coachs sportifs pour qu’il accepte par tous les stratagèmes …le POT.
Je ne sais d’où vient cette invention bizarre et pourquoi nous tentons de donner autant d’importance à cet objet mythique, peut-être pour sa capacité à nous faire croire que la première étape importante dans notre auto-évaluation positive de parents-éducateurs, serait d’arriver à avoir une déjection de ce petit enfant sur commande…
Bonne nouvelle, vous avez le droit de le vivre de façon zen. J’ai pas encore osé vous parler de l’HNI (hygiène naturelle infantile) parce que je ne sais pas si vous êtes prêts à entendre que vous pourriez laisser bébé depuis sa naissance vous signifier seul quand il veut faire ses besoins, et y répondre de façon adéquate, sans lui mettre de couche. Je n’en parle pas car je n’ai jamais essayé avec les miens. Trop flemmarde, trop pas assez maso, trop égoïste, trop pas prête à me remettre en question, bref trop dommage. Maintenant que j’aimerais, c’est trop tard, les enfants sont grands, je crois qu’ils préfèrent aller aux toilettes sans moi. Une connaissance a sorti son petit de 3 semaines faire pipi sur un arbre de mon jardin et j’étais restée scotchée. Oui oui c’est possible. Je vous montrerai l’arbre quand vous viendrez.
Koooooaaaaa ? Votre Bébé n’aime pas le superbe pot en forme de voiture qui a coûté une blinde à votre grand-mère sur la liste de naissance ? Elle risque de vous déshériter ? Vous avez racheté un pot tout simple mais il s’en fait un chapeau ? Il fait la cuisine dedans avec sa dînette ? Il rit de s’asseoir dessus puis s’en va faire pipi dans sa couche propre à peine vous la lui remettez ?
Bon, déjà, je ne crois pas qu’il vous ait déjà vu vous-même faire vos besoins dans un pot. Si l’image vous apparaît en cet instant distinctement dans votre cerveau imaginatif, c’est que vous êtes peut-être capable de le faire une fois pour lui montrer. Mais en général tout de même, dans nos contrées les parents font sur les toilettes. Et c’est bien connu, les enfants imitent leurs parents. Alors ici, ben j’avais préféré le réducteur de siège WC et le petit tabouret pour y grimper, plutôt que le pot.
Mais j’ai pu valider une autre façon de faire, que j’appellerai « le popo à la couche ». Un de mes bambins n’avait pas du tout l’intention d’aller sur les toilettes ni sur le pot (pas en forme de voiture, c’est peut-être pour ça). J’avais retiré la couche et il se promenait en slip épais toute la journée. Le petit short éponge était parfait pour absorber en grande majorité les dégâts et suffisamment perméable pour qu’il sente et remarque bien quand son pipi coulait. Je mettais une couche propre sur la table basse du salon. Il me l’apportait quand il sentait qu’il avait envie de faire. Pas plus compliqué que ça. La couche à enfiler était ainsi très pratique : il virait son slop et enfilait sa couche assis par terre. Il faisait ensuite quelques pas, et s’immobilisait le cucul en arrière. Son visage virant au rouge et sa moue identifiable entre mille ne laissaient alors entrevoir aucune méprise. Hop tout ça fini, on nettoyait les fesses et il remettait un short éponge.
L’intérêt du « popo à la couche » est qu’il sait déjà à quoi sert une couche, donc très facile à mettre en place. Mon fils a ainsi zappé totalement l’étape soit-disant indispensable du pot. On peut néanmoins feinter, si vous avez des actions chez « PotdeRêvequiDéchire.net », en posant une couche à plat sur le pot. Si si, parfois ça marche.
Mais bon, perso j’en ai jamais fait tout un pot euh un plat de cette acquisition de la « propreté », et j’avais confiance en l’enfant, sans faire de ca(ca)s de tout ça. Pas de grands cris de joie, ni de félicitations à rallonge, ni de « t’es super grand », juste « oh ben t’as fait caca », tout naturellement. Et regarder du coin de l’œil sans en faire un enjeu mondial. Parce que c’est une étape qui finalement ne devrait que le concerner lui. Qu’il devrait même à mon avis réclamer lui-même sans qu’on cherche à la lui imposer ou même présenter. Je pense.
Enfin, en tout cas j’ai continué à vivre, sans râler pour les flaques par terre : « oh ben le pipi a coulé au sol mon petit cœur, tu nettoies ? » Une éponge et un bébé tout fier de nettoyer lui-même.
On dit « apprendre la propreté » ou alors « votre enfant est-il propre ? » sous-entendu il est sale pour le moment… Ben franchement moi quand je passe après un adulte qui a laissé de la déco vintage le long des parois lisses et immaculées du réceptacle collectif des toilettes, je sais direct qui est le vrai propre dans cette maison !
EDIT juill.2018 :
Je vous recommande le livre de Carlos Gonzalez « Serre-moi fort » (éditions Le Hêtre Myriadis) qui traite entre autres du sujet, avec tellement d’humour et de détachement, que ça pourrait vous aider. Voici quelques extraits (p 183-184) :
« Apprendre à ne pas se faire pipi dessus, de même qu’apprendre à marcher, sont des choses qui n’exigent ni étude ni enseignement. »
« Mais si nous n’enlevons jamais sa couche à notre enfant, comment apprendra-t-il ? Ne portera-t-il pas une couche toute sa vie ? J’en doute fort. Je ne connais personne qui ai tenté l’expérience, mais je soupçonne que, même si les parents ne prenaient jamais l’initiative, tous les enfants finiraient par enlever leur couche d’eux-mêmes un jour ou l’autre. Personne ne se promène dans les rues avec une couche à l’âge de quinze ans. »
« […] car quoi que vous fassiez, que vous le fassiez « bien » ou « mal », ou même si vous ne faites rien de rien, votre enfant apprendra. La question est « que puis-je faire pour que mon enfant ne souffre pas pendant qu’il apprend à utiliser les toilettes ? » Et la réponse est « mieux vaut ne rien faire du tout ». Ou en faire le moins possible. »
EM