La parentalité | Regards sur soi-même

A ceux qui souffrent à l’école.

15 novembre 2020

[Temps de lecture 2 mn 40]

« – Élève brillante mais manque de participation à l’oral.
– Peut mieux faire au vu de ses capacités.
– Evelyne manque de confiance en elle, c’est dommage. »

Toutes ces phrases qui ont ponctué ma scolarité m’amenaient encore plus à me sentir incapable d’être ce qu’on attendait de moi.

J’étais cette petite fille timide dont on se moquait, qu’on étranglait avec son écharpe et dont on coupait le bout des cheveux sans se faire voir des profs en classe, bourrée de tics nerveux, et qui espérait survivre à ses congénères lors de ce passage obligé qu’elle croyait être la scolarité.

Je comptais ces années qu’il me restait à faire, comme on trace des traits sur le mur de sa cellule de prison.

Et puis certains enseignants, passionnés et passionnants, ont été des phares dans ma nuit. Pour eux j’ai travaillé de toutes mes forces, rien que pour les rendre heureux parce que je les aimais bien…

L’angoisse du métier à choisir a suivi, parce que chez moi on devait « être prof ou travailler à l’usine »… Je ne voulais pas être prof, mais je suis allée en fac, sans envie, sans projet, juste parce que le temps passe et qu’il faut bien faire quelque chose. Parce que l’usine, c’était mal vu.

Heureusement mon envie profonde inavouée s’est concrétisée rapidement : devenir maman, tôt, ainsi avoir un but à mes journées, me sentir extrêmement utile, me valoriser dans ce rôle dans lequel j’avais l’impression d’être appelée.
Vingt années de « mère au foyer » par passion ont suivi, avec quelques tentatives de reconnexion à mon rêve d’ado que je n’avais pas osé défendre : devenir photographe professionnelle.

J’avais vu mon premier enfant s’ennuyer dès la maternelle, et j’ai regretté d’avoir autant répondu à son avidité de savoir depuis son plus jeune âge : il était à présent en décalage et pendant que les autres apprenaient à compter jusqu’à cinq, lui lisait dans un coin et prenait son mal en patience.
J’ai ainsi fait de la rétention d’informations devant la curiosité de mon cadet : je ne lui dirai pas trop de choses, afin qu’il puisse apprendre tout cela à l’école. Il s’y est ennuyé quand même, et j’ai regretté d’être passée à côté de ces merveilleux moments de découverte que nous aurions pu partager. Il traversera une scolarité de souffrance, d’angoisses, de « troubles de l’apprentissage » comme on dit, et me suppliera de lui faire l’école à la maison, mais je ne m’en sentirai pas capable, croyant qu’il faudrait mettre en place cours, programme, matières et horaires. Et nous abrégions à regrets nos discussions passionnantes suite à ses questions, pour avoir le temps de finir les devoirs avant le dîner, de se coucher tôt car « demain il y a école ».

Et chaque jour, il n’avait pas le temps de vivre, juste de faire ce qui étaient ses obligations scolaires.

Un insatiable appétit de connaissances donnait très envie à mon troisième enfant d’aller à l’école, suite aux promesses de l’entourage : « oh tu vas voir tu vas y apprendre plein de choses ! » Il revint radieux de ses deux premiers jours de maternelle.
Et la fin du monde commença au troisième jour. Désormais il était mal dans sa peau, agressif, en colère, éteint.
Comment a-t-il survécu à ces dix ans d’école qui ont suivi ? N’ayant pas l’adhésion de son père pour faire autrement, ayant moi-même toujours espoir que chaque année se passe un peu mieux, il a continué son chemin sur la voie incontournable de l’école, parce que c’est comme ça que tout le monde fait, et parce que beaucoup d’enfants n’aiment pas y aller, mais que c’est ainsi.

Soudainement le corps s’est fait entendre, puisque l’esprit n’avait pas su le faire : un burn out et un arrêt en urgence du collège.

La mise en place de la scolarité à distance, allégée, adaptée, depuis chez nous. Beaucoup de temps disponible à présent pour reconnecter à ses passions, à ce qui le fait vibrer et qu’il n’avait plus le temps de faire.

C’était il y a bientôt un an. Hier il m’a dit : « J’adore ma vie ! » Et j’ai pleuré. On a eu si peur.

Combien d’enfants mettons-nous en danger par conviction que l’école est la voie indispensable, qu’on n’a pas le choix et qu’il faut en passer par là ?

Face au projet d’interdiction de l’instruction en famille par le gouvernement, je soutiens le droit à la liberté de choisir ce qui nous convient le mieux pour notre propre vie, le mode d’instruction comme tout le reste.
C’est vers là que je vous accompagne professionnellement, et c’est vers là que je vais moi aussi chaque jour depuis cinq ans, depuis que j’ai compris que c’était moi qui créais ma vie et que c’était mon droit absolu de le faire, afin d’être toujours plus intègre et heureuse au quotidien.

Parce que c’est ainsi que je peux apporter au monde le meilleur de qui je suis. Et non pas de la façon dont on attend de moi que je le fasse.

Et nos enfants, leur laisse-t-on le droit de décider de la façon dont ils sont heureux ?

Pétition pour le maintien des droits à l’instruction en famille.

EM.

 

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