La parentalité

5 règles pour ne pas imposer de règles aux enfants.

7 avril 2017

[Temps de lecture : 20 mn, mais elles valent le coup]

Quuuoiii ? Pas de règles, pas de limites ? Ces bobos peace and love vont nous tuer ! « Un enfant a besoin de cadre et de règles pour se construire et grandir ! Et pour s’habituer à la vie en société et se préparer au marché du travail ! ! Il faut savoir poser des limites ! Faut pas laisser passer, faut marquer le coup avec une bonne punition ! »

…J’avoue, par ce titre racoleur (et antinomique) selon les normes en vigueur de la blogosphère, avoir eu envie de vous attirer pour partager une opinion qui peut être intéressante, une piste à creuser si vous le souhaitez. Prenez place je vous en prie, et merci pour votre visite.

***

Grand-mère Germaine disait toujours : « faut pas roter à table, c’est mal poli ». J’ai compris plus tard que ça la dérangeait elle et que la politesse était bien différente d’un pays à l’autre et même d’une famille à l’autre !

Ça m’a donné envie de réfléchir et mon côté rebelle gentillet a pris le dessus : c’est quoi ces règles quasi universelles, QUI a décrété ça, QUI a décidé pour tous ? Je les ai décortiquées une à une. Je les ai quasi toutes trouvées fondées uniquement sur « le principe », c’est à dire une croyance collective, une transmission transgénérationnelle, ou alors un besoin masqué sous couvert de non prise de position personnelle. Et le constat que j’ai fait est simple : les règles pourraient être évitées.

… -« Ah ben allons-y gaiement, on abolit les règles, on dit plus rien aux gamins, c’est la fête du slip, ils font ce qu’ils veulent, il décident de tout, des enfants-rois ! » Mon Lecteur inquiet, tu reprendras bien un bout de tarte, je te sens stressé…

Règle 1 – Faire de vrais choix.

Quand j’avais 13 ans, j’écrivais dans mon journal intime tout ce que je changerais de la façon de faire de mes parents quand je serai maman et je l’ai fait. Dix ans plus tard, ma grande fierté était quand mon petit de 18 mois partait seul dans sa chambre pour se punir, sachant qu’il venait d’outrepasser une règle : waow comme je gérais trop bien !

A quoi me servaient ces règles ? A m’assurer que mon enfant aura un « bon comportement », à l’habituer parce que dans la vie il y aura des règles à respecter, à me rassurer sur sa sécurité, sur le fonctionnement discipliné de la maisonnée. A poser mon droit de veto et ainsi avoir la paix car aucune contestation n’est plus possible, à asseoir ma puissance et mon pouvoir, à apparaître comme un parent qui fait bien son job, à « donner des limites à mon enfant pour son bien »… En réfléchissant, je me demande si ces règles n’étaient pas là plus pour moi que pour mon fils.

J’étais persuadée d’être dans le juste. Et puis mes lectures, l’observation des comportements autour de moi, l’ouverture à de nouveaux horizons m’ont fait me poser des questions. Et si je ne l’étais pas, dans le juste ? Je pourrais peut-être envisager de faire autrement pour que mon enfant soit mieux, écouter d’autres manières de faire, essayer d’autres choses…

Est-ce que j’avais vraiment fait des choix éducatifs jusqu’à présent, ou bien agi par habitude / comme mes parents ont fait avec moi / pile à l’inverse / en fonction des recommandations des spécialistes / des attentes de la société ?

Faire de vrais choix réfléchis est souvent difficile : analyser notre fonctionnement, régler nos réflexes liés à notre propre vécu, trouver de nouvelles options, les expérimenter, rectifier le tir, assumer le jugement des autres. Et surtout je pense, la peur qui nous bloque… Et si notre enfant devenait le pire rebut de la société à cause de nos manquements ? Il est tellement plus rassurant de faire comme tout le monde, et puis on a été élevé comme ça et « on en est pas mort, nous ».

Mais moi, qu’est-ce qui me ferait dire, une fois mes enfants grands, « j’ai réussi mon éducation » ? Qu’est-ce qui serait vraiment important pour moi dans mon rôle de parent ?

« Qu’il réussisse dans la vie » est une des réponses les plus courantes. Et qu’entends-je par « réussir » : avoir son bac / un travail / une maison / une femme / des enfants / un chien / être riche / être patron / faire de longues études / faire quelque chose qu’il aime / qu’il soit heureux / un peu de tout ça à la fois ?

A force de réflexion, j’en suis arrivée pour ma part à me dire : j’aimerais qu’il fasse ce qu’il veut. Et être émue en l’observant faire son propre chemin. Ce n’est pas moi qui le lui trace, je marche à ses côtés.

Je crois que notre vision de la vie est déterminante en fait dans notre choix. Je vois la vie comme un superbe terrain de jeu à explorer avec d’infinies possibilités, que je souhaite fouler avec liberté d’action et de pensée. Ce monde-là n’a de règle que le respect envers soi-même et les autres.

Règle 2 – Vivre ses valeurs.

La liberté et la justice sont des valeurs importantes pour moi. Je peux les transmettre à mon enfant en les lui expliquant par de grands discours, ou en lui imposant des règles de vie qui font que son attitude entrera dans mes critères. Ou bien encore, vivre moi-même mes valeurs et observer ce qu’il adviendra. Dans l’endroit le plus simplement à ma portée : ma famille.

Suis-je tellement juste quand j’impose à mon enfant de se taire sous prétexte que je suis le parent ? Suis-je tellement pour la liberté quand je lui dis quand faire ses devoirs, de mettre son blouson parce que moi j’ai froid ? Suis-je pour le respect quand je lui ordonne d’arrêter l’ordi pour aller se promener ?

Combien de fois ai-je été quasi tyrannique pour ensuite pleurer le soir parce que je n’étais pas alignée avec mon envie profonde de paix partagée…

Mon fils tempête après moi, contrarié pour un bout de scotch que je lui refuse car mon rouleau se vide et j’en ai besoin. Exaspérée par son comportement disproportionné à mes yeux, je lui hurle dessus « Arrête de crier ! ! » Ce à quoi, encore plus énervé, il rétorque : « Ben toi tu cries ! ! »

Mes incohérences m’ont souvent mis la puce à l’oreille. Je me permets d’exiger ce que je ne fais pas moi-même.

Mais vous me direz : « enfin quoi ! Je suis l’adulte et pas lui ! » Justement. Si je n’y arrive pas moi, qui suis censée être « mature » (lol) comment lui dont le cerveau selon les neurosciences n’a pas encore la faculté de gérer ses émotions, peut-il être soumis à autant d’exigences ?

En tant qu’enfant, j’ai toujours détesté qu’on soit au-dessus de moi, j’aimais pas me sentir écrasée, pourquoi moi je mettrais quelqu’un au-dessous de moi…

Il a donc fallu revoir ma posture.

J’ai découvert le fonctionnement des entreprises libérées avec beaucoup d’intérêt et je suis allée encore plus vers ce qui me paraissait cohérent avec mes valeurs :

Je ne suis pas le chef de mon enfant, je ne suis pas au-dessus de lui hiérarchiquement, non il ne me doit pas obéissance aveugle.

Il a ses propres besoins, ses préoccupations, sa vision du monde, et j’avais envie de respecter tout cela. Avec un tel changement de paradigme, c’en a été déstabilisant pour tous et il a fallu trouver un nouvel équilibre familial. Un enfant habitué à être dirigé perd ainsi ses repères et doit réapprendre à se donner du crédit par lui-même. Et parfois, en réaction, il peut passer en mode « chef », pensant que du coup il a le champ libre pour ça.

Mon souhait pour ma famille est une organisation « horizontale ». Une famille qui comprend des êtres aux besoins, compétences et centres d’intérêt variés, quels que soient leurs âges. Avec de la circulation, du partage, de la découverte. Dans la collaboration pour un but commun : s’épanouir dans la paix, s’enrichir les uns les autres, avoir les bases d’une bonne communication entre individus.

Le défi est que chaque membre trouve sa place et fonctionne ensemble, un peu comme notre corps finalement, pour obtenir l’équilibre qui nous mènera à l’épanouissement collectif et individuel.

Quoi de mieux pour « préparer les enfants à la vie en société » (en fait ils y sont déjà, la famille en fait partie). Il s’agit aussi de croire que notre enfant a quelque chose à nous apporter, à nous faire découvrir, même s’il le fait d’une façon qui ne nous ressemble pas ou nous paraît souvent incongrue. D’avoir une posture tournée vers lui comme vers chacun, et non pas les adultes d’un côté et les enfants de l’autre.

« Ben à quoi servent les règles justement si ce n’est à chercher à fonctionner tous ensemble ? »

Je vous propose une petite histoire :
-« C’est bon, tournez à gauche à la prochaine… Et le cligno ? ? Le trooootttoir ! Vous voyez pas que vous allez monter dessus ? Bon, on ralentit, là, hein, y a un piéton qui attend sur le bord. On raaalllentit j’ai dit ! Ça veut dire aussi on s’arrête, Bondieu. Et ben vous êtes pas doué vous … Tournez à droite, on arrive ! »

Stéphane en bave pour ses cours de conduite et la pression lui fait un peu perdre ses moyens. Son moniteur d’auto-école n’est pas des plus tendres et c’est soulagé qu’il arrive enfin à destination. C’est alors qu’une voiture lui fait face dans la ruelle resserrée et klaxonne.

-« …Mais M’sieur, pourquoi il klaxonne ? Putain on est en sens interdit ? ? Comment je fais, j’ai pas de place pour retourner ! Vous m’aviez dit de tourner à droite… »

-« Oui et alors ? Faut bien que vous voyiez qu’on fait pas n’importe quoi en conduite ! Vous n’avez plus qu’à vous débrouiller pour sortir de là. Au moins vous comprendrez que sur la route il y a des règles à respecter : vous auriez pu voir le panneau sens interdit, il était pas assez gros ! ? »

Florent n’en revient pas. Il décapsule une bière et la tend à son pote Steph affalé dans le canapé : « Sérieux ? Il est relou ce mec ! Moi mon instructeur il m’a trop mis la confiance. Nan mais sinon c’était mort direct pour mon permis. Là je l’ai eu du premier coup, bro ! Il m’a fait un briefing à chaque fois avec son air coincé : « alors petit, tu penses à an-ti-ci-per, tu ob-ser-ves, tu captes l’ambiance, t’es comme un chien policier, tu flaiiiiires la route, compris ? » Et après ça, trop OKLM, il me laissait rouler tranquiiiiille mec, il surveillait et il était là pour freiner d’un coup si y avait trop de danger. La coooonfiance, trop un teug ! »

Règle 3 – Faire confiance.

Waow, c’est dur pour moi. Mon gamin de 3 ans saura-t-il s’arrêter de courir au bout du trottoir pile sur la plaque d’égout comme je lui ai demandé ? Ou bien faut-il instaurer la règle absolue comme ma voisine « Dans la rue on donne la main, un point c’est tout » ?

Mon pré-ado pensera-t-il à récupérer la clef de la maison qu’il avait laissée dans son casier au collège, pour ne pas être fermé dehors ce soir ? Je me mords les lèvres pour ne lui dire qu’une seule fois « pense à récupérer ta clef ». La règle absolue serait si simple : « ta clef reste dans ton cartable et tu discutes pas, c’est comme ça ! ».

Mon grand fait des jeux vidéo jusqu’à 4h du mat’ ? Oulàààà j’ai du mal ! Vais-je lui imposer une règle absolue « tu éteins à 23h sinon t’es privé d’écran tout le week-end qui suit, c’est pas toi qui décides, nan mais oh ! » ? Je pourrais peut-être le laisser faire son expérience : va-t-il jouer si tard une seule nuit ? Deux ? Dix ? Arrivera-t-il à se lever ensuite -> Se rendra-t-il compte des conséquences par lui-même -> Adaptera-t-il son comportement -> Loupera-t-il l’école –> S’en fichera-t-il —> Va-t-il décrocher ? ? ?  Du coup aime-t-il ses études, y voit-il du sens ? Dois-je lui faire la morale sur son avenir ? Stop stop stop ! Frissons dans le dos, j’vous l’dis moi…terrrribles frissons de parents et tête qui tourne. On a tellement peur… car on voudrait le meilleur pour eux.

Avoir confiance en un quasi adulte c’est déjà super dur, alors avoir confiance en un petit enfant ? « Mais il est trop petit pour savoir décider pour lui, pour connaître la vie, il n’a pas toutes les cartes en main pour être autonome et indépendant ! »

No panic, a priori un bébé ne devrait pas trop avoir besoin de demander à conduire une voiture ni d’allumer le feu dans la cheminée. Si à la rigueur mon chérubin veut se présenter aux élections présidentielles ça mettrait peut-être un peu de renouveau dans l’équipe, mais pardon c’est un autre débat. Un nourrisson sait dès la naissance s’il a faim, sommeil, envie de câlin, chaud, froid. Un bambin sait quand il est prêt à se lâcher pour marcher. Pourquoi au moment où il commence à verbaliser ses besoins, faudrait-il penser qu’il traverse le « terrible two » et que soudain ses décisions sont injustifiées et doivent être tues pour qu’un adulte décide à sa place ?

Question confiance, il s’agit de se mettre au niveau de chacun. Et c’est aussi un challenge pour nous, car on fait avec son vécu, ses craintes… Oui je peux envisager de faire confiance à mon petiot de 2 ans pour amener le pot à eau sur la table, ou pour ne pas finir son assiette car il n’en veut plus. Oui je peux envisager de faire confiance à mon grand pour finir ses devoirs demain à l’heure qu’il a dite. Oui je peux envisager de faire confiance à mon aîné pour conduire son frère en scooter en étant prudent. Dois-je faire confiance à mon nourrisson pour sa campagne de pub aux présidentielles ? A moi de voir.

Mais revenons à nos héros Stéphane et Florent. Ils ont tous les deux reçu des instructions, appris à lire les panneaux, à manier le véhicule. L’un l’a fait dans un climat de relâchement, l’autre dans un climat de pression. Les deux manières peuvent « fonctionner », mais je préfère choisir le climat, l’environnement qui coïncident avec mes valeurs, que je ressens comme le plus bénéfique.

Le moniteur de Stéphane lui a donné des quantités d’indications, a attiré son esprit à droite à gauche, a décidé à sa place du comportement à adopter, lui a donné des ordres, lui a fait des remontrances, bref il a géré la route à sa place, et il lui reproche ensuite de ne pas avoir su réagir par lui-même… Il a peut-être manqué à Stéphane un peu de liberté, celle d’avoir le temps de tourner la tête pour observer avant qu’on attire son attention en tout sens, et de remarquer le panneau sens interdit, de pouvoir chercher en lui les solutions pour adapter son comportement, celle d’expérimenter lui-même les limites que lui donneront la route.

Et je suppose que Stéphane lui en a voulu de « le faire passer dans un sens interdit » et donc se déresponsabilise. Il a reçu tellement d’informations et de remontrances, qu’il a dû concentrer son énergie sur le fait de satisfaire son instructeur et en a perdu tout sens de l’observation et de jugement personnel. Oui c’est une façon d’apprendre quelque chose à quelqu’un.

Et Florent a adoré la confiance qu’il a éprouvée de la part de son moniteur à lui. Il a été mis en garde des dangers et a développé sa concentration pour voir les panneaux et adapter sa conduite. Car il a eu de l’espace pour cela, et la responsabilité qui lui incombe. Il a été pleinement acteur de sa conduite, sous surveillance, et a pu être plus vigilant sur ce qui l’entourait. Il a acquis les compétences pratiques mais surtout comportementales indispensables à un bon conducteur, et je parie que son instructeur se sentait bien plus en sécurité avec lui que l’instructeur de Stéphane.

L’ambiance, l’environnement, les messages implicites ou explicites peuvent aider ou entraver.

Faire confiance nécessite un autre changement de paradigme important : donner de la place à l’enfant, remettre la responsabilité ou le choix de décision sur lui et le laisser porter les conséquences en l’épaulant avec amour.

Ce changement-là, nous ne sommes pas toujours prêts à le risquer, pour l’insécurité que nous pouvons ressentir. Pour ma part, j’ai eu envie de donner l’environnement favorable au développement de mon enfant. J’ai décidé de croire au monde de mon enfant comme étant légitime, valable, intéressant, important. J’ai décidé de croire que mon enfant n’a pas une envie irrépressible de s’opposer à moi, mais a besoin qu’on lui laisse son espace. Il m’a fallu balayer l’assurance d’avoir un enfant « bien élevé », pour le laisser acquérir ce dont lui a besoin pour sa propre vie, et pas ce que je crois bon pour lui.

Règle 4 – La responsabilité.

J’ai toujours eu tendance à croire que la personne la mieux placée pour savoir ce qui est bon pour mon enfant, c’était moi. Et puis en quittant la « position haute », je me suis dit que finalement la personne la mieux placée pour savoir ce qui est bon pour lui, est lui-même. Quel poids envolé dans ce lâcher-prise ! Quelle pression de parent d’un coup décapsulée ! Il ne me reste « plus qu’à » vivre mes idéaux, en restant dispo, vigilante, à l’écoute, observatrice…

J’ai pu remarquer comme un enfant à qui on fait confiance fera preuve de beaucoup plus de sens de responsabilité et de prudence, oui, y-compris un petiot de 2 ans, capable de couper les courgettes en rondelles avec un couteau bien pointu, pour peu qu’on lui ait montré comment le manier sans danger. Il est déstabilisant pour un enfant je pense d’entendre « je te fais confiance » et de se précipiter en hurlant lorsqu’il attrape le couteau sur la table. La règle absolue « t’es trop petit pour toucher aux couteaux » et fermer le tiroir d’un coup sec, l’incitera peut-être à déployer des stratégies pour assouvir sa curiosité qui risquent de l’exposer à une blessure. La négligence ne sera pas tant d’avoir laissé traîner le couteau à sa portée, mais plus à mon sens de ne pas lui en avoir expliqué l’utilisation safe.

En outre, l’espace laissé à l’enfant lui donne la possibilité de constater comme ses actions ou paroles ont des conséquences sur son entourage et sur lui-même, et l’incite à développer son sens critique.

Ce que j’ai pu constater, c’est que les règles ensemble peuvent encourager la résistance, les stratégies d’évitement, l’opposition, l’égocentrisme, les relations de pouvoir. Alors que dire son propre besoin de parent et le faire respecter, forment à la prise en compte de l’autre et l’empathie de la part de l’enfant. Les règles peuvent procurer un sentiment de frustration permanent, de clan parents contre enfants, de flicage, de résistance, de règlements de comptes et de combat alors que nous pourrions tous être partenaires : plus besoin de surveiller s’il respecte les règles, finies les terribles manipulations toxiques en tout sens. Et nous pourrons être là pour lui car il nous considérera comme un allié.

Son intelligence plus la nôtre pourront nous sortir de toutes les situations sans avoir besoin de les encadrer par anticipation par des règles.

Car il faut bien l’admettre, si on met des règles, c’est bien souvent par peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas arriver à se « faire respecter », de se laisser déborder.

Et qui dit règle dit transgression. Elle est même tellement attendue qu’il y a quelque chose de prévu dans ce cas : la punition. La punition me semble incohérente sur le fond : on ordonne à l’enfant de faire quelque chose qu’il n’aime pas, pour se souvenir qu’il faut qu’il fasse quelque chose qu’il n’aime pas (l’ordre reçu au départ). Il y a une notion de blesser volontairement, faire mal, humilier, même. Ce qui accompagne la punition est souvent une dispute, puis une vérification qu’elle est accomplie, on surveille s’il y a récidive, on se mine, on met encore plus de règles, on entre dans un tel contrôle que toute notre énergie est déployée dans ce système d’engrenage.

Mais si mon enfant fait des choix stupides à mes yeux ? Que je désapprouve ?

Au travers de ma posture de coach de vie, j’ai fini par intégrer l’idée que chacun était responsable de ce qu’il faisait ou disait dans sa vie. Moi la maman, je ne suis pas responsable si mon enfant dit prout à la maîtresse, même si on se sent terriblement mal jugée dans ces cas-là. Les mots des enseignants dans le carnet de correspondance me demandant de veiller à ce que mon ado ait un bon comportement en classe, m’ont toujours laissée perplexe. L’enfant choisit son attitude. Et je n’ai pas à ressentir de honte à sa place. Et il a à assumer la réparation de ses actes, ou le changement d’attitude ou le non-changement.

Ça m’appartient de lui dire que je trouve son choix « stupide », et ça lui appartient de décider de ce qu’il fait. Nous connaissons tous des adultes autour de nous qui font des choix irresponsables à nos yeux. Et nous les laissons agir en haussant les épaules ou parfois en critiquant, mais ça ne nous viendrait pas à l’esprit de venir leur interdire en leur fixant une règle à ce sujet. Il s’agit de remettre la responsabilité de leurs actes et pensées entre leurs mains.

Il me semble qu’on tire plus d’enseignements de ses erreurs si on nous laisse les assumer : par l’analyse de ce qui s’est passé, le non-jugement, le fait de trouver d’autres façons de faire qui auraient mieux convenu ainsi que des moyens de réparation, plutôt que par un cheminement entre les cloisons faites de règles et de punitions. « Les bonnes idées viennent de l’expérience, l’expérience vient des mauvaises idées. » Proverbe Amérindien.

On peut choisir de fonctionner tous ensemble par des règles. Et on peut choisir de faire autrement. Je pense que l’énergie de l’enfant est bien mieux utilisée s’il s’en sert pour vivre et se découvrir, plutôt que pour faire ce qu’on attend de lui ou s’affirmer seul contre tous.

Lorsqu’on se retrouve serré entre deux parois, on a qu’une envie, c’est de pousser fort pour pouvoir respirer…

Faut-il pour autant laisser faire à l’enfant tout ce qu’il veut au risque d’envahir l’espace des autres ?

Règle 5 – Bien communiquer.

Comment ne pas se sentir menacé en quittant la position haute de « celui qui décide car il sait mieux que son enfant » ?

Ça me parait super important lorsqu’on abandonne la « position dominante », de savoir trouver sa propre place dans le groupe qu’est devenu la famille. Les relations sont systémiques, c’est-à-dire qu’elles sont articulées les unes avec les autres et que toucher à l’une déstabilise l’autre, améliorer l’une peut améliorer l’autre. Et les actions ou paroles de mon enfant ont une incidence sur moi et vice versa. Si le comportement de ma fille me dérange, je me dois de me respecter en le lui signifiant. Et il est bon pour tous qu’elle en tienne compte. Si mon comportement la dérange, il me faudra accepter qu’elle puisse me le signifier et envisager d’en tenir compte moi aussi.

Pour formuler mes besoins très clairement et être garante de leur respect, je peux utiliser un outil très efficace : la CNV (Communication non violente). On peut aussi garder en tête qu’on n’a pas la vérité absolue dans notre façon de voir les choses, mais que chacun a sa vérité, et qu’elle est aussi valable que la nôtre.

Personne n’a tort ou raison, il s’agit de trouver des terrains d’entente pour fonctionner ensemble de manière « gagnant-gagnant ».

Si une solution proposée au problème convient aux deux parties, super. Si elle ne convient pas à une des parties, il existe toujours une troisième solution à inventer. Pour recevoir ce que ma fille a à me dire, je peux utiliser « l’écoute active ».

Vous êtes épuisés d’avance à l’idée de découvrir des outils et d’apprendre à les manier ? Dites-vous que le temps que vous pensez perdre maintenant pour ça est du temps de gagné pour tout le reste de votre quotidien, qu’il soit familial, professionnel ou sentimental. On peut aussi faire à l’intuition, du moment qu’on laisse la place à l’enfant pour s’exprimer, qu’on ne le juge pas, qu’on lui manifeste une empathie authentique et qu’on ne se place pas au-dessus de lui. Faisons-nous confiance à nous aussi !

Venons-en au concret, comment éviter les règles donc ?

Par exemple, en disant les choses autrement. En formulant mes besoins, mes demandes. Bannir les généralisations, en reprenant ma propre responsabilité sur la forme comme sur le fond. Je ressens quelque chose, et ça m’appartient de le ressentir. Même si mon enfant hurle dans la maison, c’est ma responsabilité d’être énervée par ce bruit. Donc je vais exprimer cela en « mode JE » plutôt que de tourner ma phrase en jugement « TU es insupportable ! »

Au quotidien, les règles peuvent plutôt se transformer en ceci :

C’est interdit de crier dans la maison [peut devenir] J’ai besoin de calme au salon en ce moment.

Extinction des feux à 21h [peut devenir] J’ai besoin de me retrouver seule tranquille tous les soirs à partir de 21h.

Pas de cartable dans l’entrée [peut devenir] Je voudrais accéder à mes chaussures et ton cartable est posé dessus.

Pas de ballon dans la maison [peut devenir] Je me sens mal à l’aise car je crains que le voisin du dessous ne crise.

On ne tape pas ! [peut devenir] Je suis super-triste de voir ta sœur avoir mal !

J’ai l’impression qu’ainsi on redonne du sens à ce qui était des règles. Elles deviennent des expressions de mes besoins à un instant T et ont donc leur raison d’être. Elles ne sont plus globales mais des cas précis. Et chacun, adulte ou enfant, est responsable d’être clair avec là où il en est et s’occupe de le communiquer le plus fidèlement possible par rapport à ce qu’il ressent.

Du coup elles sont malléables, adaptables, changeantes, ce qui n’en fait plus des règles, mais juste un système d’équilibre pour la vie ensemble, à réévaluer en permanence, une co-construction pour le bien-être et le respect de chacun. Il se pourrait que l’enfant devienne plus réceptif aux autres et sache mieux ce qui se passe en lui. La peur des représailles est quasi inexistante, et sans elle le mensonge devient plus rare.

Le tout est que l’enfant puise assez d’empathie en lui pour réagir suite à ce que j’ai exprimé. Concrètement, s’il ne bouge pas, il me suffit souvent de lui redire la même phrase pour qu’il percute : « ah oui ok je pousse le cartable » Et il faut aussi que je sois fair play et accepte sa solution si possible, car vous l’avez noté, il « pousse » le cartable, il ne l’enlève pas ! Haha.

Certes, souvent je me demande si mon enfant a une once d’empathie au fond de lui ou s’il s’en fout vraiment carrément si je suis étendue au sol dans une mare de sang. Mais la plupart du temps c’est que je n’ai pas exprimé avec assez de force mon ressenti. Et puis des fois il s’en fout, faut bien le dire, tout comme moi il m’arrive de ne pas répondre quand on m’appelle dans la maison parce que j’aime bien continuer à profiter de mon moment de paix.

Vous me direz que vous connaissez des enfants qui ont besoin de règles, qui sont en total freestyle sinon, complètement perdus. Je dirais que ces enfants ne sont pas nés sous le fonctionnement de la « collaboration en mode horizontal », ils ont donc besoin de l’aval des autres pour chaque action, car ils ne se font plus du tout confiance. Ça se réapprend, mais pour ça il faut que les parents eux-mêmes soient vraiment libérés de ce fonctionnement-là.

En conclusion

Chacun de nous, parents, a son chemin de vie, est unique, et nos enfants à notre contact se développent d’une façon qu’ils ne feraient pas auprès d’autres personnes. Je peux transmettre au monde un peu de moi, et eux y rajoutent d’eux-mêmes, qu’ils transmettront à leurs enfants, qui rajouteront aussi leurs particularités et ainsi de suite.

Quelle responsabilité que de faire partie de l’immense histoire de l’humanité où chacun si petit soit-il a quelque chose à transmettre et aussi à apprendre. L’unicité de mon enfant comme la mienne permet au monde de s’enrichir, en apportant notre pierre à l’édifice du sens qu’on aurait envie de donner à la vie, à la planète. Il nous est donné de devenir conscient de notre contribution personnelle.

A mon sens, il n’y a pas besoin d’imposer de limites à notre enfant volontairement. Les limites existent d’elles-mêmes par le fait qu’on est humain et pas superman, qu’on a un corps physique mortel, et qu’on est entouré de personnes qui ont aussi leurs propres besoins, envies, représentation du monde. Je reste dans la voiture sur le siège passager avec les pédales de l’auto-école, prête à freiner si le petit être que j’ai en charge légalement va s’écraser contre un mur. Je lui ai expliqué les panneaux et les balises, il a appris à les lire mais je ne conduis pas à sa place.

Car la vie de mon enfant ne m’appartient pas.

Je veux prendre soin de lui comme d’un invité chez moi, lui parler comme à un invité, le respecter comme un invité, l’écouter comme un invité, m’intéresser à son monde comme à celui d’un invité.

Et vous, quelles sont vos valeurs ? Avez-vous envie de réfléchir vos choix ? Etes-vous prêts à entendre la vision des choses de votre enfant ? A lui laisser sa place et lui proposer un environnement prolifique ?

Bonne réflexion à vous !

Evelyne Mester.

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